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Difficultés économiques et protection de l’entreprise

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Face aux difficultés économiques qui touchent les entreprises, agricoles en particulier, il existe des mesures de protection. Je vous propose de détailler l’ensemble des mesures, de la plus simple à la plus engageante, qu’il est utile d’adopter en cas de difficulté de trésorerie.

La première mesure est d’abord interne à l’entreprise. Elle consiste à réaliser une prévision de trésorerie pour évaluer les besoins de trésorerie.

En fonction de cette prévision, si vous voyez que la trésorerie de l’entreprise peut se rétablir dans un délai raisonnable, moins de 2 ans, en fonction des hypothèses de prix que vous aurez retenues, vous pouvez contacter vos créanciers pour négocier des échelonnements de votre dette.

En général, les banques adoptent de plus en plus des contrats de prêts qui permettent de rallonger la durée de remboursement voire de les suspendre pendant un certain temps. Ces mesures ont certes un coût, celui de nouveaux frais financiers, mais elles permettent, en respectant le nouvel échéancier, de garder une trésorerie saine.

Il s’agit de négociations amiables de gré à gré, vos créanciers sont libres d’accepter ou non les conditions. Parfois, lorsque les montants sont importants et pour respecter certaines règles internes à leur entreprise, vos créanciers vont vous demander de formaliser cette démarche dans le cadre d’un plan de redressement amiable judiciaire.

C’est en particulier le cas si vous avez contracté un PGE (plan garanti par l’état à la suite du COVID 19) de plus de 50 000 €, ou bien pour la MSA, lorsque la durée d’étalement de la dette est de plus de 3 ans.

 

Le règlement amiable judiciaire

Vous pouvez saisir le tribunal de grande instance de votre département pour faire valider un plan d’échelonnement de votre dette auprès de vos principaux créanciers.

Cette requête nécessite que votre entreprise ne soit pas en cessation de paiement.
La cessation de paiement est avérée quand l’exigible à court terme est inférieur au disponible à court terme. Le tribunal demande que cet état de non-cessation de paiement soit certifié par votre expert-comptable.

Parfois, l’entreprise a du mal à faire face à ses factures courantes, alors qu’elle a une bonne rentabilité. Par exemple lorsqu’une partie du disponible de l’entreprise existe sous forme de stocks de produits finis, non encore mis à la vente ou sous forme de créances clients non payées.

Ce plan de règlement amiable a une qualité, c’est la souplesse. Vous pouvez introduire dans ce plan seulement vos 2 ou 3 principaux créanciers et négocier avec eux des durées différentes selon l’acceptabilité de vos propositions.

Vos créanciers sont libres d’accepter ou de refuser ce plan.

Vous devez savoir aussi que vos créanciers, en agriculture, doivent obligatoirement vous assigner en redressement amiable judicaire avant de vous assigner en redressement ou liquidation judiciaire.

  • Déroulement de la procédure

Vous saisissez le tribunal judiciaire (TGI) de votre département, en indiquant les raisons de vos difficultés et les mesures que vous allez mettre en place pour rembourser vos créanciers.

Vous serez convoqué au tribunal dans le mois suivant la saisine. Il y a une audience mensuelle au TGI en procédure civile, il faut pouvoir déposer son dossier une quinzaine de jours avant la date de l’audience.

Le président du TGI peut demander une suspension des poursuites pour une durée de 2 mois. Il nomme un conciliateur ayant pour mission de rechercher un accord avec les créanciers.

Cette procédure est propre à l’agriculture, elle est confidentielle, la durée de la conciliation s’étale sur une durée de 3 à 5 mois. Elle est d’un coût modique, en général mois de 1 000 € pour l’exploitant. Elle ne présente pas de caractère obligatoire pour les créanciers.  

  • Effets de la procédure

 Lorsqu’un accord amiable est conclu, il porte sur les délais de paiements ou éventuellement sur des remises de dettes. Il est signé par les parties et le conciliateur, il est déposé au greffe du tribunal.

Attention, il faut ne pas perde de temps pour saisir le tribunal afin de ne pas être en situation de cessation de paiement. Il est important de contacter les créanciers majeurs pour le fonctionnement de l’entreprise, mais si l’un d’entre eux refuse le plan amiable c’est l’intégralité du plan qui est remis en cause. 

En cas d’absence d’accord amiable, le conciliateur rédige un rapport de fin de mission. La procédure de règlement amiable peut donc ensuite donner lieu à une procédure de redressement judiciaire (RJ) demandée par le débiteur, un créancier ou par le ministère public.

 

Procédure de sauvegarde pour préserver l’exploitation et apurer le passif

Pour prévenir vos difficultés de trésorerie vous pouvez saisir le tribunal de grande instance en justifiant de difficultés impossibles à surmonter, à condition de ne pas être déjà en cessation de paiement.

De la même façon que pour une procédure amiable, c’est vous qui saisissez le tribunal. Il y a une audience par mois, non publique.

A l’issue de l’audience le tribunal ouvre une période d’observation de 6 mois renouvelable une fois, prolongeable à 18 mois en agriculture. Le tribunal nomme un mandataire judiciaire. Celui-ci a 2 mois pour vérifier vos créances auprès de vos créanciers.

La différence essentielle avec le redressement amiable judicaire c’est que cette mesure concernera l’ensemble de vos créanciers.

  • Effets de la procédure

Cette procédure suspend les poursuites de tous les créanciers.

Vous avez l’interdiction de payer les créances antérieures à l’ouverture de la procédure.

Vous avez, pendant la période d’observation, le délai pour proposer au tribunal un plan de sauvegarde de votre entreprise. Ce plan d’une durée de 15 ans maximum si vous êtes en nom propre, de 10 ans si vous êtes en société, est opposable à tous les créanciers.

Le Plan de Sauvegarde est opposable aux cautions et co-obligés. C’est-à-dire que les banques ne peuvent pas se prévaloir des cautions qu’elles ont sur des actifs ou auprès de tiers pour se faire rembourser.

Un jugement arrête le plan de sauvegarde.

Il y a publicité de la procédure dans un journal Officiel, le coût de la procédure est de l’ordre de 3 à 5000 €. Lorsque le plan est arrêté par le tribunal vous devez payer la première échéance du plan dans les 12 mois suivant la décision du tribunal. 

Si le plan de sauvegarde ne peut pas être respecté ou si l’entreprise contracte de nouvelles dettes il pourra être transformé en redressement judiciaire.

La mesure de sauvegarde est une mesure de prévention des difficultés. Elle permet d’échelonner des dettes et encours. Elle a pour avantages d’obtenir via la voie judiciaire des délais que les créanciers n’auraient pas accepté par la voie amiable. 

Pendant la période d’observation, l’entreprise ne doit pas créer de nouvelles dettes, elle doit même idéalement refaire de la trésorerie disponible.

Procédure de redressement judicaire

Le Redressement judiciaire présente les mêmes caractéristiques que la mesure de sauvegarde pour préserver l’entreprise et permettre de régler les dettes mais avec plusieurs différences essentielles.

Cette mesure peut être demandée par un créancier si un redressement amiable judicaire a d’abord été demandé par un créancier et n’a pas pu être validé. Elle est la seule restant à l’exploitant en cas de cessation de paiement (exigible à court terme supérieur au disponible à court terme)

Le Plan de Redressement n'est pas opposable aux cautions et co-obligés. C’est-à-dire que les créanciers qui ont des garanties, en général les banques, peuvent demander aux personnes cautionnaires de rembourser les sommes dues sans attendre toute la durée du redressement. 

Les autres effets : désignation d’un mandataire judiciaire, durée de la période d’observation, généralisation du plan à tous les créanciers, coût de la mesure, sont les mêmes que pour la mesure de sauvegarde.

Le plan de redressement judiciaire est une mesure curative, il intervient après avoir constaté des difficultés. Il doit à mon sens s’accompagner d’une restructuration du modèle économique de l’entreprise. Attention à ne pas céder à la facilité permise par le gel des dettes pendant la période d’observation. Cette période d’observation doit permettre à l’exploitant de repenser sa façon de fonctionner.

Le règlement judiciaire peut aussi être envisagé comme une période transitoire de l’entreprise avant sa cession à un repreneur.

Le gestionnaire de l’entreprise reste le « capitaine du bateau ». Le rôle du mandataire consiste à préserver les intérêts des créanciers et à vérifier que l’ordre de priorité des paiements soit respecté. Il n’intervient pas dans la gestion de l’entreprise. Il doit néanmoins veiller à ce que l’entreprise respecte les règles en matière de droit du travail et d’assurance.

J’ai choisi de ne pas détailler la dernière procédure, celle de la liquidation judiciaire. Elle permet de clore les dettes. Lorsqu’il y a insuffisance d’actif, elle permet de ne pas être poursuivi après la cessation de l’activité. Même si la décision est difficile à prendre, il est important de regarder les choses sans se voiler la face, un arrêt via une liquidation est souvent libératoire. Cette issue intervient souvent après une longue période de doute et de difficultés.

Je n’aborde l’aspect règlement des dettes dans cet article que sous l’aspect purement financier et technique des mesures. En parallèle de ces mesures, l’élément principal est le chef d’entreprise, sa santé physique et mentale, et s’il y a plusieurs chefs d’entreprise la cohésion de l’équipe. Toutes les mesures judiciaires sont éprouvantes émotionnellement, je ne sous-estime jamais cet aspect. Je sais aussi combien est éprouvant le fait de gérer une entreprise dans une situation de trésorerie extrêmement tendue, c’est pour cela que le fait d’être en mesure de sauvegarde ou en redressement redonne de la sérénité quand la trésorerie est reconstituée pendant la période d’observation.

Il est particulièrement difficile mais important d’agir vite tout en ayant compris l’ensemble des mesures et les implications des décisions. Dans le cadre de mon métier, j’accompagne les exploitants à tous ces différents stades, du renseignement ponctuel jusqu’à l’accompagnement dans les procédures judiciaires en passant par des négociations, essentiellement de gré à gré, ou via le cadre du règlement amiable judiciaire.


Philippe CHRETIEN, conseiller d’entreprise Chambre d’Agriculture de L’Ain

philippe.chretien@remove-this.ain.chambagri.fr 

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